lundi 28 juin 2010

Écrivain public


" Cher Monsieur le préfet,

Je m'appelle Lakhdar S... et je suis né à la frontière entre Algérie et Tunisie en 1938. Je ne sais pas bien écrire le français, alors je dicte cette lettre à mon médecin pour être sûr de vous écrire sans faire de fautes. Je suis venu en France en 1964, j'avais 26 ans. Pour un harki, la vie était difficile après l'indépendance, et je n'avais pas d'argent pour ma femme et mes enfants, et on m'avait dit que je trouverai du travail en France. Je suis parti seul. J'en ai trouvé sans problème, et on m'a même dit qu'il n'y avait pas assez de travailleurs et que c'est pour ça qu'il y avait beaucoup d'arabes dans le travail du bâtiment.

La ville était alors toute petite et s'arrêtait alors à la caserne L... On jouait au football avec les ouvriers de l'usine, à l'ancien stade, là où il y a maintenant le grand immeuble du T... et on voyait partir le train à vapeur qui allait à la plage.

J'ai travaillé dur. J'ai travaillé comme ouvrier et après comme chef d'équipe. J'ai construit le grand centre commercial à la place de l'ancienne gare de la plage. J'ai construit la voie rapide et aussi le stade de la M.. J'étais dans les travaux de la grande mairie, et aussi de la bibliothèque. On travaillait tôt le matin et c'était moi qui donnait le signal du début et de la fin de la journée. On achetait un journal pour toute l'équipe comme ça on apprenait le français à la pause et on connaissait les nouvelles. On n'avait pas peur du travail.

La ville je la connais bien, pas parce que je suis né ici, mais parce que je l'ai construite avec mes camarades. Je vous envoie cette lettre pas pour de l'argent, grâce à Dieu, comme j'ai beaucoup travaillé je ne suis pas dans le besoin. J'aimerai un rendez-vous avec vous pour que quelqu'un de la ville me dise merci."


2 commentaires:

Valérie de Haute Savoie a dit…

Mon mari lui, a donné sa santé pour la réfection des très beaux immeubles de Genève ;) et j'y pense souvent lorsque je vois les sculptures qui ornent le haut des maisons de maître, qui certes les rendent plus jolies, mais qui ont détruit ses poumons.

OlivierNK a dit…

Donné, donné, c'est vite dit: vendu, oui. Et comme c'est une contrat synallagmatique, y'a pas à venir réclamer du rab' après, fallait négocier pendant.